Témoignage de Mélanie
21 juillet 2022Retour à la routine
5 septembre 2022Dans le cadre de ma levée de fonds pour la Maison La Traverse qui héberge des femmes et des enfants pour les aider à se libérer de la violence, je vous présente le témoignage de Lissa. Il s’agit d’une enfant ayant évolué dans un milieu de vie avec de la violence conjugale.
Je me nomme Lissa, j’ai 25 ans et je suis entrepreneure. Mes parents sont séparés depuis mes trois ans. J’ai été victime de violence conjugale en tant qu’enfant témoin avec mon petit frère. Souvent, les gens ne réalisent pas que j’ai eu à surmonter les mêmes difficultés que si j’avais été une femme battue moi-même. Mon père est un homme contrôlant, impulsif et violent.
Je n’ai pas à vous décrire en détail tout ce que j’ai vécu, mais voici une idée du genre de situations que j’ai vécues:
- Mon père me lançait des commentaires du genre “Tu sens mauvais, tu as transpiré! Va te laver!”. J’étais en pleine puberté et ce genre de commentaires ont détruit mon estime de moi. Il souhaitait me protéger des commentaires méchants des autres sans s’apercevoir qu’il me faisait du mal.
- Ma mère dédramatisait les mots vulgaires que mon père utilisait pour la décrire tel que vache, folle, harcelante… Elle voulait nous rassurer, mais ça n’a fait que nuire à notre capacité de reconnaître ce qui est normal ou anormal comme comportement.
- Mon père pouvait nous crier dessus pendant des heures pour nous convaincre qu’il avait raison si on osait dire qu’il avait tort. Je m’arrangeais pour que sa colère se tourne vers moi et non vers mon petit frère. J’avais beau changer de pièce, il me suivait en continuant de me crier après. Il voulait être certain que je comprenne qu’il voulait mon bien et donc qu’il avait raison.
- Ma mère me demandait de protéger mon petit frère et de montrer l’exemple. Je lui ai obéi au point de ne plus savoir quand dire non et au point d’accepter l’intimidation de mon petit frère que je m’efforçais de protéger.
J’ai des tonnes d’autres exemples de violence verbale et psychologique qui avaient pour but de me rendre plus forte et qui devaient me protéger du monde extérieur. J’ai fini par être terrorisée par tout comme tout était mauvais à l’extérieur de la maison. Les règles changeaient constamment et n’étaient pas les mêmes pour moi que pour mon petit frère, mais surtout, mon père a tout fait pour que nous soyons en permanente compétition pour son affection. Le résultat de cette enfance et de cette adolescence?
J’avais les mêmes troubles qu’une femme violentée, mais je n’ai su qu’à mes 15 ans pourquoi. Avant cet âge, je n’avais pas connaissance que mon père battait ma mère lorsqu’ils étaient ensemble. Je n’avais aucun souvenir d’avoir résidé dans plusieurs foyers d’accueils pour femmes avec ma mère et mon frère. Mon subconscient avait bloqué toutes ces informations pour me permettre de survivre. La violence verbale et psychologique n’a jamais cessé… Entre mes parents, mais aussi envers moi.
À l’âge de 13 ans, mes parents se sont affrontés de nouveau pour ma garde et celle de mon frère.Peu après le début des procédures, j’ai fait une tentative de suicide en buvant une bouteille de Benadryl, je voulais m’endormir et ne plus jamais me réveiller. Je voulais arrêter de souffrir en permanence. Heureusement, ça n’a pas fonctionné et j’ai simplement eu des nausées. Le lendemain, ma mère m’a fait rencontrer les psychiatres de l’urgence de l’hôpital.
Je suis alors entrée dans le système pour la première fois comme victime de violence conjugale. On m’a confié à une infirmière du CLSC qui devait assurer mon suivi jusqu’à ce qu’un psychologue soit disponible pour me suivre. Nous avons alors découvert que j’avais un TDAH et que j’avais besoin de comprendre ce que je vivais à la maison.
Ma mère m’a enfin avoué les événements de violence physique ou mon père se servait de moi pour la faire taire lorsqu’elle pleurait trop fort. Elle m’a raconté les menaces de mort, les coups et les mensonges sans entrer dans les détails, mais suffisamment pour que tout devienne clair sur mon mal de vivre.
J’ai alors fait la connaissance du personnel de la DPJ qui avait été prévenu de ma tentative de suicide. Au départ, personne ne comprenait pourquoi j’avais peur de mon père. Un homme si charmant et qui pouvait me fournir un cadre de vie tout à fait respectable. Ils ont d’abord cru à de l’aliénation parentale… Jusqu’au jour où un grand monsieur s’est présenté à mon école un midi pour m’emmener dîner avec lui. Il se nommait Marc et il a été le premier à me dire que les réactions de mon père n’étaient pas de ma faute. Il m’a aidé à rebâtir les fondations de ce que devaient être les relations entre humains.
Je gardais toujours des réactions étranges malgré tout… Je baissais le regard en présence d’hommes, j’avais peur de m’exprimer en public, j’essayais de plaire à tout le monde au point d’être malheureuse… C’est là que ma mère m’a présenté une intervenante de la Maison La Traverse. Je n’étais pas très heureuse de me retrouver dans un centre pour femmes battues une fois par semaine, mais au fil du temps je me suis mise à parler avec elle. Cette femme m’a permis de comprendre ce que j’avais vécu et mes réactions instinctives d’aujourd’hui.
Sachez qu’on ne peut aider une personne si elle n’est pas prête à affronter la réalité. Cela m’a pris des années avant de pouvoir faire confiance à un homme, de cesser d’avoir peur d’un homme qui hausse la voix, de cesser de fuir devant les confrontations… Aujourd’hui, je dois constamment revalider moi-même mes réactions et mes émotions, car elles sont encore bien souvent biaisées et adressées à la mauvaise personne. Il m’arrive encore de côtoyer mon père, mais aujourd’hui c’est à mes conditions et lorsqu’il fait preuve de violence verbale je quitte les lieux. Ça n’a pas été facile de changer cette dynamique entre nous, mais il a fini par comprendre que s’il voulait me côtoyer, il ne pourrait plus agir de la sorte.
Je pense que les levées de fonds sont le seul moyen d’aider des organismes tels que la Maison La Traverse, car le gouvernement ne donnera jamais suffisamment de subventions pour sauver les enfants et les femmes victimes de violences conjugales malgré tous les programmes existants. J’ai eu plus de six intervenants de la DPJ différents à qui j’ai dû prouver les violences que je vivais comme si à chaque fois j’étais celle qui avait tort. La plupart d’entre eux n’avaient aucune idée du conflit intérieur que je vivais, car malgré tout j’aimais mes deux parents et je ne voulais pas qu’on m’empêche de les voir.
Alors que l’intervenante du centre comprenait bien les défis que j’allais devoir affronter pour devenir une femme accomplie capable de faire confiance et capable de combler les besoins que mes parents n’ont pas su combler. Elle ne m’a pas jugée et elle a été d’un support incroyable sur mon chemin vers la guérison.
Svp, si vous êtes témoins de violence physique, psychologique ou verbale ou toute autre forme de violence tendez la main à cette victime. Lorsqu’on est au fond du trou, on a l’impression qu’on ne vaut rien et que tout le monde se fiche de ce qui pourrait nous arriver. On a l’impression d’être invisible et que si l’on disparaissait les autres ne le verraient même pas. Je le sais, j’ai été cette victime perdue.
Aujourd’hui, je continue de travailler sur moi pour devenir plus forte. C’est un travail permanent, mais je deviens peu à peu la femme que je voulais devenir. J’ai ma propre entreprise de marketing depuis quelques mois, je suis en couple avec un homme doux et respectueux et j’ai même réussi à me faire des amis pour la première fois de ma vie à qui je peux dire la vérité sur ma famille.